"L'art ne reproduit pas le visible, il rend visible"
cit. Paul KLEE
Originaire d'Aubusson, où les tapisseries lumineuses de Lurçat et de ses contemporains faisant éclater la lumière m'ont ébloui, j'avais 20 ans.
Beaucoup plus tard, un peu avant la soixantaine, c'est Yves TANGUY et son monde imaginaire qui m'a fait rêver. Puis le choc est venu avec Egon SCHIELE et sa joyeuse violence, introduction aux expressionnistes allemands...
Karen APPEL, JORN et bien d'autres, tous différents, figuratifs ou abstraits, m'ont séduit...
VUILLARD, BONNARD, certains VLAMINCK, DERAIN, PICASSO bien sûr, MIRO parfois, BACON évidemment, SPILLAERT, REBEYROLLE...
Enfin, certaines oeuvres de contemporains, J.M. ALBEROLA, la cage aux oiseaux de J.P. RAYNAUD, ALECHINSKI, BASQUIAT, HOCKNEY, Bill VIOLA...j'en omets tellement!!
Tous m'ont appris qu'il faut OSER, OSER, OSER...
La psychologie qui a tenu une part importante dans ma vie ne m'aurait-elle pas conforté dans cette voie?
J'adapte donc le traitement choisi, mais toujours, je m'efforce de rester libre.
Claude DORLEAT adhère à Diagonales en 1998. Il participe activement aux expositions et à l'animation du collectif.
Oeuvres figuratives de tendance moderne (3 oeuvres de 150x100cm dont "l'homme bleu" et "la jeune fille au chignon"), avec une expression plus orientée vers la sensibilité pour la 1ère, plus heurtée pour la seconde qui se détache sur un fond très sobre.
"La main verte", toujours figurative mais plus surréaliste.
La violence s'y exprime par la couleur presque fluo de cette main prégnante contrastant sur un fond bleu et une sorte de cadre dissymétrique composé de rayures multicolores où la peinture se mélange avec une certaine sensualité, sans détruire les structures verticales - référence à Bernard FRIZE?
Un tryptique de 3 oeuvres au format identique -76x76cm- intitulé du célèbre vers de G. APOLLINAIRE: "Ah Dieu! Que la guerre est jolie!", présenté en contrepoint de la sculpture de J. Jeangeorges, consacrée au même sujet.
Celui-ci nous montre presque l'âme de ces hommes disparus, déchirés, arrachés, et pourtant marchant...
Claude DORLEAT, au contraire met en évidence, dans un style de tendance expressionniste, une vision apocalyptique, des chairs écrabouillées, la boue, le sang, les restes d'une poupée, la fange, l'indescriptible.
Avec un humour macabre il a intitulé ces 3 tableaux "morceaux choisis 1, 2 et 3". Mais de manière antihétique le résultat est empreint d'une certaine harmonie des couleurs; la guerre serait-elle effectivement jolie?
Là encore, on est davantage sur le versant moderne que contemporain.
Composée de 3 oeuvres superposées de 50x50cm, semblables mais différant progressivement.
Il pourrait s'agir de sépultures datées d'époque géologiques successives montrant les mêmes types de vestiges disposés pour constituer en quelque sorte l'ultime parure de ces lointains défunts.
Tout cela est traité en couleurs très vives, presque en a-plats, et renvoie à une représentation (80x100cm) contigüe, d'un visage simiesque et souriant, censé résulter de la reconstitution péléontologique exécutée à partir de l'une des sépultures.
Claude DORLEAT s'amuse à demander au regardeur de choisir lequel des vestiges est en cause, d'où la mention "d'oeuvre interactive", et si son choix est bon, son gain est dérisoire.
Car, en réalité, il n'y a pas de bonne réponse et l'oeuvre qui se présentait sous un abord gai et humoristique vire vers davantage de causticité en mettant en cause notre société actuelle, bien éloignée de celles évoquées par les vestiges plus ou moins anciens.
Sans doute l'oeuvre la plus "contemporaine" de celles qu'il a représenté.
Comme souvent chez Claude DORLEAT, bien qu'il y ait "un petit aur de famille" entre les oeuvres, pas d'unité véritable.
Est-ce dommage? Il prétend ainsi répondre à des "challenge" qu'il se donne, agir en fonction des sujets, et conserver sa liberté.
Il s'agit bien là d'une attitude contemporaine...
1998: Champagne Parc Auto, REIMS